Haricot.ca, premier site de financement participatif au Québec et fier créateur du terme « sociofinancement », a cessé ses activités.
Nous remercions tous ceux et celles qui ont choisi Haricot durant ces 10 années, ainsi que tous les contributeurs et contributrices aux projets inscrits sur Haricot.
Fondée en 2010 et mise en ligne en 2011, Haricot fut la première plateforme à offrir les outils du sociofinancement en français au Québec, et dans les 2 langues au Canada.
Nous étions une très petite entreprise de 2 personnes, avec quelques allié.e.s et collaborateurs.trices au fil des ans, et ce projet en était un de dévouement. Tant le temps passé à accompagner les porteurs de projet, qu’à offrir des formations à travers le Québec ou à gérer la plateforme a été offert de tout cœur et sans rémunération.
Dans les circonstances de l’économie du Web actuelle, nous choisissons de fermer notre plateforme. Nous aurions aimé voir une réelle volonté de créer un espace local de sociofinancement, un modèle de guichet unique réunissant ses principaux acteurs, pour que notre société puisse bénéficier de sa juste part dans cette industrie mondiale florissante. Ce ne fut pas possible.
Les coups durs
Au cours des dix dernières années, nous avons vécu plusieurs revers. Entre autres :
Première ronde de financement :
Kickstarter : 10 millions $
Haricot : 3500 $
- Nous avons vu des organismes gouvernementaux — et même un élu — adopter le terme « sociofinancement » allègrement puis s’en vanter en France, tout en préférant privilégier les plateformes internationales, et ne pas reconnaître les plateformes locales ni le crédit de Haricot.
Sans but lucratif, vraiment ?
Nous avons choisi de ne pas devenir un OBNL pour plusieurs raisons, dont celle de l’hypocrisie. Entendons-nous bien : certains OBNL aident réellement les gens qui en ont le plus besoin et méritent encore plus de subventions de nos gouvernements. Cependant, plusieurs (trop) d’OBNL sont formés pour des raisons moins nobles et s’apparentent à ce que l’on nomme communément et justement du « BS corporatif ». Ces entreprises n’ont pas besoin de subventions gouvernementales, sinon pour enrichir leur fondateur ou leurs autres entreprises, se bâtir un capital politique ou un levier commercial. Nous ne souhaitions pas faire partie de ce groupe de « personnages d’affaires ». De plus et souvent, ils agissent avec une grossière agressivité pour tuer les entreprises privées œuvrant dans le même domaine.
Au sujet des subventions gouvernementales, dont municipales : nous ne croyons pas que les municipalités ou autres instances gouvernementales devraient faire concurrence aux entreprises privées déjà existantes sur leur territoire.
Exemple : des entreprises privées de Portes & Fenêtres existent dans une ville. La mairie décide de subventionner et de donner de la visibilité à une nouvelle entreprise de Portes & Fenêtres sur son territoire, sous prétexte que c’est un OBNL… Donc, la municipalité fait une concurrence directe et déloyale aux entreprises privées, pour favoriser une seule entreprise dite « à but non lucratif », qui n’a pas une mission différente des entreprises existantes, au lieu de participer au développement de toutes les compagnies existantes. À noter, ces situations sont parfois le fait de « copinage ». Ark.
- Nous avons connu le sexisme : en 2010 (!), une femme présidente et idéatrice d’une entreprise n’était pas toujours prise au sérieux… Dans ce cas-ci, on a même été conseillé (par une professionnelle en relations de presse et communications) de ne pas mentionner que c’était le projet de ladite femme, parce que les gens ne le croiraient pas, qu’elle devait même cacher son implication… En effet, une autre personne issue du monde médiatique a mis en doute la véracité de la création par Haricot du terme « sociofinancement », ce qui est quand même incroyable ! On passe sur tous les autres attitudes et commentaires désobligeants.
- Nous avons contré deux tentatives de cyberattaques ciblées.
- Nous avons subi de l’intimidation et de l’abus de la part de compétiteurs (bris d’entente signée, menaces, vol d’idées, utilisation de notre marque, etc.)
Les moins bons coups
- Pour réussir Haricot à la hauteur de nos attentes, il aurait fallu beaucoup plus de ressources, humaines, technologiques et financières, et ce, dès le départ. Nous avons choisi de lancer Haricot sans ces ressources, ce fut la première erreur, malgré toute la bonne volonté et le cœur à l’ouvrage.
- C’est très difficile, voire impossible, de mener à bien un projet juste à la force des bras tout en travaillant à temps plein ailleurs. Même avec une idée incroyable, mieux vaut ne pas se lancer si on ne peut pas y dévouer 100 % de son temps, de son énergie et de sa créativité.
- Lors de la mention de notre plateforme dans une émission télé à grande écoute, nous n’étions pas prêts, malgré des préparatifs avec notre serveur. Notre manque de ressources nous avait restreints à choisir des services d’hébergements moins coûteux, donc moins performants. Le site a planté toute la nuit ; ce fut un mauvais choix, une mauvaise préparation. Dans certains cas, il faut payer, coûte que coûte.
- Nous avions prévu le lancement d’une refonte complète de la plateforme, et le lancement d’une version mobile décentralisée, que nous n’avons pas été en mesure de livrer, incapables d’absorber les dépassements de coûts. Nous avions été trop optimistes dans l’évaluation des ressources nécessaires, tant en temps, qu’en argent. Dès lors, notre plateforme accusait un retard technologique, et nous en étions moins fiers.
- Quand le terme « sociofinancement » est devenu plus populaire que le nom Haricot, nous aurions dû créer la plateforme sociofinancement.com*. Nous avons trop attendu, cherchant midi à quatorze heures afin de lui donner une mission spécifique, hésitant entre garder les deux ou fermer Haricot, bref, nous avons tété.
- Ouverts à la collaboration, nous n’avons pas su nous méfier des requins — oui, il y a des requins au Québec. Pour que sa juste part de l’industrie mondiale du sociofinancement revienne au Québec — au lieu que cette part soit envoyée, principalement, aux États-Unis — il aurait fallu une association ou du moins, une coalition des forces en place. Notre erreur a été de croire en une solidarité possible, à un monde de licornes dans le ciel.
Les bons coups
- Nous sommes fiers d’avoir été des pionniers — en 2010, ça prenait 90 minutes, juste pour expliquer ce qu’était le « crowdfunding » et encore plus de temps à expliquer comment et pourquoi ça deviendrait une industrie à part entière, mondiale, « mainstream », incontournable, durable et très payante.
- Nous sommes fiers d’avoir persévéré jusqu’à aujourd’hui et fiers des projets financés sur Haricot. Nous avons pu participer à la réalisation de projets aussi divers qu’exceptionnels, dans différentes sphères d’activités, souvent porteurs de valeurs qui nous rejoignent.
Le voici dans le tout nouveau Dictionnaire des francophones :
https://www.dictionnairedesfrancophones.org/form/sociofinancement
- Nous sommes fiers d’avoir inventé un mot, et de l’avoir fait adopter par tous en utilisant uniquement les médias sociaux.
Nous souhaitons remercier chaleureusement ceux et celles qui nous ont soutenus et accompagnés tout au long de cette décennie, ils se reconnaîtront.
*P.-S. Nous voulions faire sociofinancement.com, une plateforme sans ligne éditoriale, en français, 100 % locale et 100 % indépendante. Mais avec toutes les plateformes É.-U. qui offrent maintenant les outils du sociofinancement gratuitement, sans parler des gabarits faciles à installer sur un site, nous croyons que nos énergies seront plus utiles ailleurs.
Encore merci à tous. Au plaisir !
Audrey Benoît et Thomas Duperré